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Engagements climatiques des entreprises : quelle différence entre “neutralité carbone” et “net zéro”?
27 Octobre 2021

Engagements climatiques des entreprises : quelle différence entre “neutralité carbone” et “net zéro”?

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Action climatique d'entreprise Risques et opportunités climatiques
Denis Jorisch Associate Director, Practice Lead Corporate Climate Target

Dans l'univers de la durabilité, les expressions "neutralité carbone" et "net zéro" sont employées continuellement, parfois même de manière interchangeable, le plus souvent sans que leurs définitions ne soient clairement indiquées.

De nombreuses sociétés et entreprises s'engagent d'ailleurs déjà sur ces termes, affirmant parfois avoir atteint l'un ou l'autre, voire les deux.

Quelles sont les définitions officielles et les différences entre ces termes ? Qu'impliquent-ils pour les entreprises et leurs stratégies à long terme ? Comment les organisations peuvent-elles être certaines de bien les employer, et ainsi éviter les ambiguïtés ou accusations de greenwashing dans la communication de leurs engagements climatiques ? Décryptage.

Ce billet de blog sera mis à jour sous peu

L'action climatique est dynamique et évolue rapidement - cet article sera mis à jour régulièrement en fonction des dernières évolutions. Pour connaître l'état des lieux et les recommandations de South Pole sur la communication climatique des entreprises, veuillez télécharger notre dernier rapport sur la communication environnementale des entreprises ou consulter l'article sur les bonnes pratiques de communication en France.

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La neutralité carbone

Le concept de neutralité carbone est né à la fin des années 1990 dans le cadre du Protocole de Kyoto. D'après la définition officielle, la neutralité carbone est atteinte par une entreprise lorsque les émissions de gaz à effet de serre produites par ses activités sont compensées («offset » en anglais) à volume équivalent par des crédits carbone, issus du financement de projets climatiques, le plus souvent à l'international. Ces crédits carbone peuvent être générés par l'évitement de nouvelles émissions (en comparaison avec un scénario théorique d'inaction) ou la séquestration (c'est-à-dire la captation physique et réelle de CO2 présent dans l'atmosphère) de gaz à effet de serre et le plus souvent de CO2. Cette définition initiale n'inclut pas des exigences de réduction des émissions ou décarbonation.

Aujourd'hui, le concept de neutralité carbone fait l'objet de différentes interprétations et les questions méthodologiques sont nombreuses. On relève ainsi des différences dans les gaz à effet de serre pris en compte (CO2 seul ou l'ensemble des gaz à effet de serre mentionnés dans le protocole de Kyoto), dans le périmètre des émissions considérées (de la fabrication d'un produit jusqu'à son usage et son recyclage par exemple), les types de projets climatiques financés (évitement versus séquestration carbone) et dans les facteurs d'émission utilisés dans le calcul de l'empreinte carbone d'une organisation (et donc le total des émissions à compenser).

À ce jour, la norme anglaise PAS 2060, dont la dernière mise à jour date de 2014, est la seule référence indépendante en matière de définition et de certification de la “neutralité carbone". A cet égard, elle a depuis quelques années pris une envergure internationale. Certains organismes tels que le Carbon Trust, NQA et ControlUnion s'attellent d'ailleurs déjà à certifier les engagements des organisations selon les exigences de cette norme. Pour renforcer encore le cadre et l'évaluation des engagements et stratégies de neutralité carbone, de nouvelles initiatives tentent de compléter cette norme, comme par exemple la norme ISO 14068, la nouvelle UN Framework Convention on Climate Change ou encore la mise à jour des Science Based Targets (Foundations for Science-based Net-Zero Target).

L'année 2021 a marqué en France une avancée majeure sur la question de la neutralité carbone. En mars, l'ADEME publie un avis selon lequel la neutralité carbone ne peut jamais être atteinte ni revendiquée à l'échelle d'un acteur, un produit, un service. Selon cet avis, une entreprise peut néanmoins valoriser sa contribution à un objectif de neutralité global.

En août, la LOI n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant sur la lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets, stipule que les entreprises ne peuvent plus revendiquer la neutralité carbone de leurs produits ou services, à moins de répondre à trois conditions :

  1. communiquer de manière publique et transparence leur bilan de gaz à effet de serre (GES),
  2. divulguer les progrès annuels quantifiés de réduction de leurs émissions, et
  3. compenser leurs émissions résiduelles par l'achat de crédits carbone certifiés conformément aux normes en vigueur.

Ainsi et selon la loi, aucune allégation de neutralité carbone (ni de “net zéro") ne peut être faite par une entreprise sur la seule base d'une démarche de compensation, aussi ambitieuse soit-elle. Seule la mise en œuvre d'une démarche holistique, priorisant les mesures d'évitement et de réduction des émissions ainsi que leur suivi quantifié et rigoureux dans la durée peut permettre soutenir une communication publique conforme à la réglementation en vigueur.

En pratique, et bien que la neutralité carbone fasse encore aujourd'hui l'objet de déclarations maladroites voire trompeuses, elle reste un repère important dans la lutte contre le changement climatique et est toujours fortement encouragée - y compris dans le cadre de la norme SBTi - afin de contribuer à combler le fossé mondial des émissions (il n'y a pas de frontières dans l'atmosphère !).

La loi impose aujourd'hui que ces déclarations soient soutenues par une démarche sérieuse et complète de réduction des émissions. Elle permet en outre via la compensation d'inciter les entreprises à allouer des ressources financières à l'action climatique au niveau mondial et par le soutien de projets qui, au-delà de leur contribution climatique, apportent des bénéfices pour les communautés locales et la préservation de la biodiversité.

Enfin, la demande croissante de crédits carbones certifiés a mis un prix sur les émissions carbone. Au vu des prédictions des évolutions du marché volontaire, l'augmentation de ce prix peut jouer un rôle fondamental d'incitation à la réduction, le coût de la compensation risquant de peser de plus en plus lourd dans le budget des entreprises.

Net zéro, ou zéro émission nette

Selon le rapport 2018 du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), si l'on souhaite limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C et éviter les effets les plus catastrophiques du changement climatique, le monde doit diviser par deux ses émissions de CO2 d'ici à 2030 environ et atteindre net-zéro d'ici le 2050 (GIEC, SR15). Le GIEC définit alors le “net-zéro" (ou zéro émission nette) comme le niveau auquel les émissions mondiales de gaz à effet de serre anthropiques (générées par les activités humaines) seront totalement équilibrées par les absorptions anthropiques (GIEC, SR15).

Si la définition est claire au niveau global, la compréhension et l'usage de l'expression "net-zéro" dans le contexte de l'entreprise peuvent être confus. En effet, les stratégies mises en place par les entreprises pour atteindre cet objectif varient considérablement en termes de définitions, de périmètres, de délais et de méthodologie.

Le repère commun à toute stratégie net zéro doit être l'alignement avec une trajectoire 1,5°C, sur base de laquelle l'entreprise doit :

  • calculer ses émissions de GES,
  • définir un plan de réduction sur l'ensemble de la chaîne de valeur et en cohérence avec une trajectoire d'atténuation de 1,5°,
  • une fois les émissions réduites, neutraliser ses émissions résiduelles par la séquestration d'une quantité équivalente de GES, via le financement de puits de carbone (par exemple au travers de la plantation de forêts ou la préservation des mangroves).

En octobre 2021, la Science Based Target Initiative publie à destination des entreprises la première norme encadrant la mise en œuvre d'objectifs net zéro alignés sur la science du climat. Elle comprend les critères et les recommandations à prendre en compte pour fixer des objectifs “net zéro" fondés sur la science et compatibles avec la limitation de l'augmentation de la température mondiale à 1,5°C.

À ce jour, la norme "net-zéro" de la Science Based Target Initiative propose la définition du "net-zéro" appliquée à l'entreprise qui semble la plus solide, et une méthodologie sur laquelle les entreprises peuvent s'appuyer dans la mise en place de leurs objectifs de réduction. Pour être validées par la SBTi, les stratégies des entreprises doivent inclure au moins 95% des scopes 1 & 2, et 67% de leurs émissions du scope 3* dans leurs objectifs de réduction pour 2030 (Near-term SBTs) et au moins 95% à l'horizon 2050 (Long-term SBTs).

En bref

Neutralité carbone Net zéro
Périmètre (scope) Les organisations sont libres de choisir le périmètre des émissions qu'elles ont choisi d'inclure dans leur bilan GES. Selon la norme SBTi, toutes les émissions directes et indirectes doivent être incluses, et ce sur l'ensemble de la chaîne de valeur.
Exigence de réduction des émissions Aucun seuil réglementaire n'est imposé pour quantifier les mesures de réduction des émissions prises par les entreprises. Des réductions d'émissions à court et long terme, ambitieuses et alignées sur la science du climat, en cohérence avec la trajectoire 1,5°C du GIEC, doivent être mises en place.
Contribution climatique La compensation peut se faire à travers des projets d'évitement ou de séquestration du carbone. Jusqu'au net zéro, la compensation peut se faire à travers des projets d'évitement ou de séquestration du carbone. Ensuite, la neutralisation des émissions résiduelles (après réduction) se fait uniquement à travers des projets de séquestration, pour éliminer le carbone de l'atmosphère.

Conclusion

Si l'année 2021 marque une volonté d'accélération de l'action internationale, se traduisant notamment par la multiplication des engagements climatiques des entreprises, force est de constater que l'harmonisation des définitions et des pratiques autour de la communication des engagements climatiques est encore à affiner.

Une entreprise qui se déclare “neutre" aujourd'hui est rarement en ligne avec une trajectoire 1,5°C, pourtant indispensable à l'atteinte des objectifs exprimés dans le cadre de l'Accord de Paris. La trajectoire net zéro, plus ambitieuse et basée sur la science du climat, est le seul scénario permettant de mitiger les effets du changement climatique.

Cependant et bien que parfois critiquée, la neutralité carbone est souvent un point de départ déterminant pour les entreprises souhaitant faire leur part face à l'urgence climatique. Elle peut en effet constituer une étape clé dans l'établissement d'une trajectoire net zéro, et constitue alors un signal très positif pour les entreprises qui cherchent à faire évoluer leurs opérations vers un fonctionnement plus durable.

Il convient néanmoins de garder à l'esprit que le changement climatique ne cessera pas immédiatement lorsque nous arrêterons d'utiliser les combustibles fossiles ou que nous compenseront totalement les nouvelles émissions de GES. En effet, le dioxyde de carbone déjà présent et principal responsable du changement climatique subsistera dans l'atmosphère, et continuera à réchauffer la planète pendant des siècles.

La réduction des émissions de gaz à effet de serre est indispensable, mais ne représente pas la solution ultime face au changement climatique. Nous devrons nous atteler à rééquilibrer la balance si nous espérons ramener le climat mondial aux niveaux pré-industriels. Pour y parvenir, les entreprises devront non seulement ramener leurs émissions à zéro, mais devront aussi s'atteler à réparer les dommages causés par le passé, notamment en séquestrant ce CO2 déjà en surplus dans l'atmosphère, par le financement de projets de séquestration supplémentaires (reboisement, séquestration du CO2 dans le sol, captage et stockage du CO2) au sein et en dehors de leur périmètre d'activité.

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